Soutenir la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes
6 Décembre 2012
La ZAD est là-bas...
Raser une maison, ou un quartier, est tout l'opposé de l'acte « barbare ».
La démolition, c'est la banalité de la civilisation qui se construit
toujours sur des ruines encore fumantes. Ce projet d'aéroport du grand
ouest n'est pas spécialement anti-écologique, inutile et nuisible. Il
n'est qu'une pierre parmi d'autres dans la logique d'aménagement de cette
région pour la rendre compétitive et rentable sur le marché des
métropoles. Remodeler des quartiers, changer les noms et les usages des
lieux, définir des axes de développement pour des espaces à rentabiliser
est le travail quotidien des décideurs, élus de tous bords et experts.
Réaliser ces projets, s'engouffrer dans ces nouveaux marchés est le
travail quotidien des investisseurs et profiteurs.
Raser une maison, c'est bien plus qu'une question de « logement », ce mot
évoquant en effet plutôt un lieu où l'on passe le temps de repos avant de
retourner au travail. Ce dont il s'agit ici, c'est surtout de tenter
d'anéantir un lieu de vie, ses moyens matériels d'autonomie mais aussi
toutes ses imbrications sociales, locales, liens d'amitié, d'entraide, de
solidarité, ses conflits aussi. Ainsi, chaque jour, partout, des milliers
de personnes sont délogées, expulsées, contraintes de déménager, de
quitter leurs réseaux de débrouilles, de repartir à zéro ailleurs. C'est
vrai, ça ce voit moins d'habitude, mais l'effet d'isolement et
d'affaiblissement est le même et constitue la base de la domination
capitaliste qui a besoin d'individus dépendant du marché et serviables.
Raser une maison, c'est souvent en effacer les traces rapidement, en
« nettoyant » scrupuleusement ou en reconstruisant par dessus. Les traces
de l'acte de destruction sont de bribes de l'histoire des vaincus qu'il
s'agit de faire disparaître. Sauver des décombres quelques poutres,
raconter des histoires de ces lieux, prendre des photos avant le désert
sont autant d'actes de résistance face à la violence de la réécriture de
l'histoire par les dominant. Garder des traces pour que la colère sache
exister contre l'oubli. Ces « places nettes » laissées où nous vivons font
échos à tous ces « aménagements » qui déracinent, à tour de bras de
tractopelles, en grignotant aussi chemins, terrains de jeu ou espaces
libres.
Raser une maison en assumant la tactique de la terre brûlée, appeler « au
calme », tout en osant prétendre que « tout s'est bien passé », c'est nier
la violence d'un tel acte. Ces tas de gravas sont des plaies ouvertes qui
risqueraient de nourrir la colère. Et ces pierres, si rares dans ce bocage
rebelle, appellent si fort à exprimer, à ne pas la laisser ronger à
l'intérieur, à la faire sortir de soi de la manière la plus instinctive
qui soit. Les fracas des gravats dans les bennes, les bip-bip des
bulldozers et les convoies aux gyrophares bleus résonnent dans le
brouillard et tentent de graver en profondeur le sentiment d'impuissance.
Alors les traces de bitume fondu sous les barricades, les quelques arbres
tombés, les griffures de sous-bois, les courbatures d'avoir trop couru,
crié ou jeté, les traces de coups parfois, sont les seules cicatrices
visibles qui restent.
Mais cette fabrique du vide et de l'oubli à l'uvre partout sur le
territoire de l'empire se confronte ici tout particulièrement à une
construction d'une autre sorte. Ce qui s'est tramé réellement ces
dernières années dans la lutte contre aéroport et qui apparaît au grand
jour dans ce moment de crise est l'esprit de résistance et de solidarité
que le nombre de militaires et de machines ne pourra empêcher de continuer
à grandir. Si, militairement, la défaite était tellement prévisible, la
surprise est grande de vivre ce moment avec cette sensation forte d'une
communauté en lutte. Des liens se renforcent, se révèlent, où se tissent
encore, dans le rythme incroyable de ce moment où tout circule, plus vite
dans cet espace plus « sécurisé » que jamais, avec cette réactivité face à
des situations nouvelles et ce tourbillon de gestes de refus...
La ZAD est ici...
Ce qui se joue depuis quelques semaines à Notre-Dame-des-Landes est
l'émergence d'une lutte nationale sur la question du réaménagement du
territoire. Cette question se retrouve sur l'ensemble du territoire : à
Tours, également, des politiques de transformation de la métropole sont
mise en place, sans l'accord des personnes les plus directement
concernées, ces habitants. Nous tentons de construire des dynamiques de
luttes autours de cette question, mais ici, contrairement à l'aéroport du
grand ouest, les problématiques sont moins visibles, plus intégré à un
pseudo-consensus, et moins enraciné dans un territoire directement menacé.
Les nécessités qui nous poussent à penser et agir sont nées du constat
qu'aucun espace ne nous permet de vivre tel que nous pourrions le désirer.
A Notre-Dame-des-Landes, c'est l'action des squatteur-euses et leurs
expulsions qui a polarisé l'attention d'un soutien plus large ; ici aussi,
des personnes squattent pour construire une autonomie et proposer des
espaces de partage et des outils collectifs d'émancipation.
Depuis trois ans maintenant, les habitants de « Thanks for the future »
résistent et s'organisent pour rester dans leur maison. Ici aussi, un
projet de la municipalité use de la force légale et policière pour
détruire ce lieu de vie. La répression est quasi quotidienne, et ce qui
les attend n'est rien d'autre que l'arrivée des tractopelles et des
buldozers. Rien n'est plus nécessaire aujourd'hui, alors que la crise ne
cesse de s'approfondir, de créer des espaces à l'usage de tous, et de les
défendre.
Le procès au tribunal administratif aura lieu le 13 décembre prochain, à
09h30. Au-delà de cette échéance, la question que nous nous posons est la
suivante : à Tours, soutenir concrètement la ZAD, n'est-ce pas aussi
inventer nos propres espaces d'autonomie et de résistance ?
« Plutôt que de suivre le vent, mieux vaut choisir sa voile. »